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dans les nuages.

parvenaient pas. Le bébé frappé sans raison essayait de nous jeter des pierres, mais un paquet de bonbons lancé par la jeune femme arrêta sa vengeance et il s’assit paisiblement pour compter sa richesse. Le marié, qui n’avait cessé de tempêter, pris d’une idée subite, disparut derrière un buisson, et là, se croyant bien caché, puisqu’il ne nous voyait plus, retira son habit, puis son gilet, puis ses bretelles : ce que voyant, doña Sol demanda à remonter au ciel, craignant d’être indiscrète. Mais non, c’était une fausse alerte. Il prit une de ses bretelles, ramassa une pierre et se prépara à jouer de la fronde contre l’aérostat ; il se campe, il s’arc-boute et — une — deux — trois — il s’étale de tout son long dans une immense flaque d’eau.

Le fou rire s’empare alors de toute la noce : cela nous gagne, l’enfant fait des cabrioles, la belle-mère a une quinte de rire, son ventre, sa poitrine et ses jambes tressautent dans des convulsions effrayantes, la jeune mariée se tient les côtes, notre nacelle bondit de droite et de gauche sous l’effort des éclats de rire des trois voyageurs, les bottes s’entrechoquent et font craquer leur vernis.

Je roule sur le panier ventru qui roule sur moi. Enfin, les nuages déjà grisés crèvent de rire et la comédie s’achève dans un sauve-qui-peut général.