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AVANT-PROPOS

— ou, sinon la critique, du moins quelques-uns de ses représentants, — ait pensé un instant démontrer, à grand renfort de versions et de manuscrits, l’authenticité d’un faux ?…

Quoi qu’il en soit de l’explication du phénomène, c’est l’histoire de cette immense méprise que retrace sommairement cet opuscule. Après les travaux de tout premier ordre des anciens apologistes et historiens de la Compagnie de Jésus, les Bembo, les Gretser, les Huylenbroucq, les Cordara, et surtout des nouveaux, les Van Aken, les Duhr, les Sommervogel, la tâche n’était point trop ardue ; nous ne désespérons pas de l’avoir menée à sa fin.

Il y a cinq ou six ans à peine, autour de ce mythe de Diana Vaughan, dont quelques bonnes âmes parmi nous se complaisaient à admettre l’authentique existence, les protestants d’Allemagne menaient grand bruit : « Les voilà bien, ces catholiques et ces Français ! Y a-t-il race plus crédule ? peuple plus emballé… »

Oui, il y a plus crédule encore et plus opiniâtre. Car le mythe des Monita Secreta n’a cessé de hanter, depuis trois cents ans, les cerveaux orthodoxes de la Prusse et nous voyons, au xxe siècle, des pasteurs évangéliques, des professeurs d’histoire s’acharner encore, en dépit des témoignages les plus autorisés et des faits les plus évidents, à prendre à leur compte, à propager dans les masses, à démontrer scientifiquement l’historicité de cette légende qui restera bel et bien, avec ses 300 éditions et traductions dans toutes les langues de l’Europe, la plus colossale mystification des temps modernes.

Enghien (Belgique), 1er décembre 1902.