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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

de bronze. Le feu qui brûlait dans ses yeux n’était plus de ce monde. La haine aveugle qui l’animait contre lui-même était de celles que rien n’apaise ici-bas, et pour lesquelles tout le sang de la race humaine, s’il pouvait couler d’un seul coup, ne serait qu’une goutte d’eau sur un fer rouge… Mais, comme il abaissait le bras, ses doigts s’ouvrirent d’eux-mêmes, et il sentit sa main retomber. En même temps ses reins fléchirent et tous ses muscles se relâchèrent à la fois. Il glissa sur les genoux, fit pour se relever un effort immense, chancela de nouveau, les bras étendus, à tâtons, secoué par un tremblement convulsif. En vain il tenta de regagner la fenêtre, vers la pâle clarté du dehors, entrevue sans la reconnaître, à travers ses yeux mi-clos. L’affreuse lutte soutenue n’était déjà plus qu’un souvenir vague, indéterminé, comme d’un rêve. Ainsi l’anxiété survit au cauchemar, présence invisible, inexplicable, dans la paix et le recueillement de l’aube… Il s’assit au pied du lit, laissa retomber sa tête et s’endormit.


Quand il s’éveilla, le soleil remplissait la chambre, il entendit sonner les cloches dans le ciel limpide. Sa montre marquait neuf heures. Un long moment le reflet au mur suffit à occu-