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L’IMPOSTURE

tenait devant Dieu, aussi dépouillée qu’aucune créature, mais inébranlable dans sa volonté d’accepter sans réserves, de subir sans se plaindre. À cet instant décisif, son grand effort n’allait qu’à se placer humblement pour que le coup divin fût porté à fond, commodément, jusqu’au cœur. Timidement, sa petite main blonde alla chercher à tâtons, sur la poitrine de son vieil ami, le battement ralenti, à présent presque imperceptible, et sans un mot, elle reçut innocemment, elle fit sienne, elle épousa pour l’éternité la mystérieuse humiliation d’une telle mort.

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— Chantal, disait le soir même M. de Clergerie après une telle épreuve, la plus grave que tu aies connue, et qui va retentir sur ta vie tout entière, je pense que la nécessité s’impose du choix d’un conseiller ferme et sagace, d’un véritable clinicien des âmes. Je t’avoue que la volonté de l’abbé Chevance m’apparaît désormais clairement. Ce n’est pas sans raison que nous l’avons entendu prononcer si souvent le même nom dans son délire ! Pour moi, il te confiait à l’abbé Cénabre. Je parlerai dès demain à ce cher ami. Puisses-tu occuper dans ce cœur incomparable, si discret, si méconnu, la place laissée libre par la mort absurde, incompréhensible, de ce pauvre petit fou de Pernichon !


fin


La suite de ce roman paraîtra sous le titre :
LA JOIE