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L’IMPOSTURE

tite affaire, c’est de ne pas vous priver de votre contentement : je ne sors pas de là. Mais, je vous demande, est-ce qu’on peut forcer son tempérament ? c’est de naissance ! À ça près, il n’y a pas plus facile que moi, plus docile. J’ai toujours fait rigoler : c’est ma nature. Une nuit, à Montmartre, ils m’ont entonné mon litre de rhum — une, deux — le temps de compter six. Puis j’ai encore fait le tour de la table sur les mains, les jambes en l’air, avec une soucoupe dans les dents, rapport à la quête, un truc que j’ai. Seulement, j’étais pas nourri à l’époque, vide comme ma poche, creux comme un ballon du Louvre ; on m’aurait fait claquer en me marchant dessus, un dedans de poisson, pareil. Alors j’ai failli crever. D’accord et de bien entendu, ce n’est pas des choses à faire. Hé bien, là ou ailleurs, personne n’a jamais vu se dégonfler Framboise. Je suis un homme tranquille. Les marles, les femelles, la police, très peu pour moi : je suis habitué à la société, je connais la politesse, je m’exprime bien. J’aime obéir. Voilà le fait. On me paie, ça va. Une supposition qu’on me propose cent coups de pied au cul, cent sous par coup de pompe, une affaire : je baisse mon froc, et je fais le mort. Tenez ! j’ai servi de passe-boule, moi qui vous parle, un petit matin de l’été dernier, près de la porte Dauphine, en plein bois — un type et ses deux poules — des balles de tennis qu’ils disent — pif, paf, dans la gueule — ohé maman ! Vous aureriez ri ! J’avais les yeux plus gros que des pommes, je saignais du nez, de partout. — Ça va ! dit le type. (Il était mûr, comme de juste.) — Encore ! Encore !… qu’elles faisaient les poules. — Tu lui donneras cinquante balles ! Tu lui donneras cent balles ! — Il y en avait une – bon Dieu