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L’IMPOSTURE

vain le ton, l’accent, ce je ne sais quoi qui donne à l’allusion perfide sa pointe et son fil, comme pour l’enfoncer dans le cœur. Les paroles enflammées du prélat ne dissipèrent point ce malaise étrange.

— …Enfin, vous avez tort de penser que j’ai fourni sur vous le moindre renseignement défavorable. On ne m’en a pas demandé. À peine si l’occasion m’a été fournie de faire quelques réserves — d’accord avec votre éminent ami, M. l’abbé Cénabre, auquel j’avais avoué mon scrupule, touchant l’embarras momentané dont je parlais il y a un instant… Ces dépenses excessives… peu justifiées…

— Mes dépenses excessives ! gémit M. Pernichon. Non ! non ! fit-il en s’arrachant des mains de Mme Mme Jérôme, laissez-moi ! laissez-moi tous ! C’en est trop ! Ah ! je sais ce qu’il prépare depuis cinq minuties. Je le vois venir ! Au moins, vous me permettrez… je vous expliquerai d’abord…

— Voyons ! voyons ! il sera temps de vous expliquer tout à l’heure, dit Mgr Espelette, avec une douceur impitoyable.

Et il ajouta ces mots dont sa candeur était loin de concevoir l’innocente barbarie :

— Vous criez avant qu’on ne vous écorche, mon cher enfant.

— Je crois, néanmoins avoir assez prouvé ma bonne volonté, reprit M. Catani, visiblement à bout de forces et qui achevait de vider son venin comme on meurt, en vous prêtant seize mille francs.

Un cri unanime le paya aussitôt de sa peine. Ce ne fut pas même un cri, ce ne fut qu’un profond soupir, une sorte de plainte plus décisive qu’aucun cri. Nulle