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L’IMPOSTURE

de niais comme moi à compromettre : Erlange, Rousselette, Dumas-Mortier — j’en pourrais citer vingt autres. C’est vous qui avez perdu l’abbé Delange, puis vous me l’avez fait exécuter dans le Bulletin de Montmédy. Chacune de vos entreprises, chaque effort que vous avez tenté, pour sortir de l’ombre où vous vous rongez d’envie, pour cesser d’être une sorte d’intermédiaire anonyme, a été payé d’un désastre pareil au mien… Le mien sera inutile comme les autres, entendez-vous ? Inutile ! Parfaitement inutile ! Jamais ! jamais, au grand jamais, vous ne forcerez l’entrée de la presse, c’est moi qui vous le jure ! Vous m’avez volé ma place, vous ne l’aurez pas pour autant. On ne voudra pas vous l’offrir, et vous ne l’oserez pas demander ! Non ! vous n’o-se-rez pas la demander ! Voulez-vous savoir pourquoi ? Hein ? Vous voulez le savoir ? C’est que vous êtes de moins en moins craint, et de plus en plus méprisé !

Il serait absurde de croire que ces paroles insensées furent écoutées en silence. À l’exception de M. Guérou, chacun des spectateurs avait plusieurs fois tenté d’interrompre, et un véritable gémissement, tantôt aigu et tantôt grave, n’avait cessé de sortir des lèvres de l’évêque de Paumiers. Enfin, aux derniers mots de l’auteur des Lettres de Rome, le désordre fut à son comble, et une espèce d’émeute eût sans doute éclaté si la curiosité la plus brûlante ne l’avait alors emporté sur l’ingratitude. Car tous les regards s’étaient portés vers M. Catani avec une impatience féroce.

Rien ne peut plus troubler ces cœurs cruels dont la légèreté est à l’épreuve de toutes les mauvaises surprises de leur incohérente vie, pourvu que soit préservé