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L’IMPOSTURE

chon, qui sentait sur lui le regard apitoyé de M. Guérou, et croyait déjà y lire son destin. J’ai agi au contraire avec la dernière prudence. Je ne vois pas encore comment mon initiative pourrait compromettre l’effet attendu d’un rapport de M. Petit-Tamponnet qui doit toucher un public bien différent. Et d’ailleurs, en ce qui concerne l’opposition de M. l’abbé Hochegourde à la candidature de M. Le Doudon…

— Il n’y a pas d’opposition, remarqua M. Jérôme plus sèchement que jamais. Dans une affaire de cette importance, je m’étonne que vous puissiez employer ce mot ridicule.

— Permettez ! je ne suis pas un enfant ! s’écria Pernichon. Je n’ignore pas l’importance de la mission dont est chargé M. Hochegourde.

— Encore une imprudence ! mon cher confrère, commença M. Catani.

— Je parle ainsi en toute franchise et pour vous seuls, supplia M. Pernichon. En vérité, depuis deux mois, il m’est impossible de faire un pas, de prononcer une syllabe, d’écrire une ligne sans rencontrer une sorte d’hostilité…

— Hostilité ! glapit M. Lavoine de Duras.

— Je maintiens le mot, cria l’infortuné journaliste. Il y a là autre chose qu’une simple sollicitude…

— Vous êtes injuste envers ceux qui vous veulent du bien, dit M. Catani.

Sur son visage glacé, où les yeux font deux taches sans aucun éclat, une rougeur solennelle parut.

— Je ne parlais pas ainsi pour vous, monsieur, balbutia M. Pernichon.

Le regard de M. Guérou, l’espèce de compassion qu’il