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L’IMPOSTURE

considérable à l’Académie des Sciences morales, dont M. Petit-Tamponnet est l’auteur. Le fait est connu de tous. Néanmoins, M. Lavoine de Duras…

— Parfaitement exact, fit le comte. J’ajoute que l’initiative de mon collègue M. Petit-Tamponnet est extrêmement ingénieuse et hardie. Je n’ai pas l’honneur d’être précisément ce qu’on appelle un homme politique : outre la jeunesse, il y faudrait encore une ambition que je ne connais plus. Mais je note, j’observe, je marque les coups avec intérêt… Vous souriez, mon cher maître, dit-il à M. Guérou.

— De plaisir ! répondit presque tendrement l’infirme, en déplaçant avec peine son buste énorme. Il y a toujours profit à vous entendre, car vous avez le secret d’un art que je croyais perdu, d’être frivole dans les choses sérieuses, et sérieux dans les frivoles.

Le regard de M. Lavoine de Duras exprima quelque inquiétude, mais ce ne fut qu’un éclair. Résigné à ne trouver que trop tard une réponse impertinente ; il se contenta d’agiter sa petite tête vide et sonore, comme pour chasser un insecte invisible, et l’inclina vers le gros homme, à tout hasard, d’un air d’ironie complice.

— Je n’ai aucun mérite à résoudre un problème aussi simple. Cette bagatelle est à la portée d’un enfant. Il s’agit de donner à M. Le Doudon une pure satisfaction d’amour-propre, ce que j’appellerai, vous le voulez bien, une satisfaction académique. M. Le Doudon s’est beaucoup dépensé en faveur de l’œuvre franco-italienne dans l’espoir légitime de voir appuyée par Mgr  le nonce sa candidature au siège sénatorial de feu mon ami de la Béconnière. Cette candidature est devenue indésirable depuis que la