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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

ses dernières conséquences, avec une logique surprenante. Ce duel imaginaire de leur camarade et du curé, visiblement, les passionne. Au besoin ils inventeraient, pour que l’histoire fût plus séduisante, durât plus longtemps. Je me demande si je préparais mes leçons de catéchisme avec assez de soin. L’idée m’est venue ce soir que j’avais espéré trop, beaucoup trop, de ce qui n’est en somme qu’une obligation de mon ministère, et des plus ingrates, des plus rudes. Que suis-je, pour demander des consolations à ces petits êtres ? J’avais rêvé de leur parler à cœur ouvert, de partager avec eux mes peines, mes joies — oh ! sans risquer de les blesser, bien entendu ! — de faire passer ma vie dans cet enseignement comme je le fais passer dans ma prière… Tout cela est égoïste.

Je m’imposerai donc de donner beaucoup moins désormais à l’inspiration. Malheureusement, le temps me fait défaut, il sera nécessaire de prendre encore un peu sur mes heures de repos. J’ai réussi cette nuit, grâce à un repas supplémentaire que j’ai parfaitement digéré. Moi qui regrettais jadis l’achat de ce bienfaisant bordeaux !

♦♦♦ Visite hier au château, qui s’est achevée en catastrophe. J’avais décidé cela très vite, après mon déjeuner pris d’ailleurs bien tard, car j’avais perdu beaucoup de temps à Berguez, chez Mme Pigeon, toujours malade. Il était près de quatre heures et je me sentais