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Les cordes de la dernière octave supérieure ont un son délicat, cristallin, d’une fraicheur voluptueuse, qui les rend propres à l’expression des idées gracieuses, féeriques, et à murmurer les plus doux secrets des riantes mélodies, à condition, cependant, qu’elles ne soient jamais attaquées avec force par l’exécutant, car, dans ce cas, elles rendent un son sec, dur, assez semblable à celui d’un verre qu’on brise, désagréable et irritant.

Les sons harmoniques de la harpe, et surtout de plusieurs harpes à l’unisson, ont bien plus de magie encore. Les solistes les emploient souvent dans des points d’orgues de leurs fantaisies, variations, et concertos. Mais rien ne ressemble à la sonorité de ces notes mystérieuses unies à des accords de flûtes et de clarinettes jouant dans le médium ; il est vraiment étrange qu’on n’ait encore qu’une fois, et il y a trois ans à peine rendu sensible l’affinité de ces timbres et la poésie de leur association.[1]

Les meilleurs sons harmoniques et les seuls à peu près à employer sur la Harpe, sont ceux qu’on obtient en effleurant avec la partie inférieure et charnue de la main le milieu de la corde, et en pinçant avec le pouce et les deux premiers doigts de cette même main ; ce qui produit l’octave haute du son ordinaire. On peut faire des sons harmoniques des deux mains.

EXEMPLE.

\new PianoStaff <<
  \new Staff = "MD" \relative c {
    \override Staff.TimeSignature #'style = #'single-digit
    \override TextSpanner #'(bound-details left text) = "Harm."
    \override Rest #'style = #'classical
    \tempo \markup{And\super no}
    \time 3/4
    e4\startTextSpan g c f, a c f,2 r4\stopTextSpan
    \bar "||"
  }
  \new Staff = "MG" \relative c' {
    \override Staff.TimeSignature #'style = #'single-digit
    \override TextSpanner #'(bound-details left text) = "Harm."
    \time 3/4
    c2\startTextSpan r4 a2 r4 a2 r4\stopTextSpan
    \bar "||"
  }
>>
EFFET.

\new PianoStaff <<
  \new Staff = "MD" \relative c' {
    \override Staff.TimeSignature #'style = #'single-digit
    \override Rest #'style = #'classical
    \tempo \markup{And\super no}
    \time 3/4
    e4 g c f, a c f,2 r4
    \bar "||"
  }
  \new Staff = "MG" \relative c'' {
    \override Staff.TimeSignature #'style = #'single-digit
    \time 3/4
    c2 r4 a2 r4 a2 r4
    \bar "||"
  }
>>

Il est même possible d’en produire deux ou trois à la fois, avec une seule main, mais alors il est prudent de ne donner à l’autre qu’une seule note.

EXEMPLE.

\new PianoStaff <<
  \new Staff = "MD" \relative c' {
    \override Score.TimeSignature #'stencil = ##f
    \textLengthOn
    <bes d f>1^\markup{\tiny\center-align "  Harmoniques  "}
    \bar "||"
  }
  \new Staff = "MG" \relative c {
    \override Score.TimeSignature #'stencil = ##f
    \clef bass
    bes1_\markup{\tiny\center-align "  Harmoniques  "}
    \bar "||"
  }
>>

Toutes les cordes de la harpe ne sont pas propres aux notes harmoniques ; il ne faut employer à cet usage que les deux

avant dernières octaves graves ; ce sont les seules dont les cordes soient assez longues pour pouvoir être divisées en les effleurant au milieu, et assez tendues pour produire nettement les harmoniques. EXEMPLE.


\relative c, {
  \override TextSpanner #'(bound-details left text) = "Harmoniques"
  \override Score.TimeSignature #'stencil = ##f
  \clef bass
  \cadenzaOn
  f4\startTextSpan g as b c d e f g a bes c d e f\stopTextSpan
  \bar "||"
}

Dans le cas où le mouvement de la composition et le parti pris de l’instrumentation exigent la transition subite d’une partie de harpe d’un ton dans un autre, fort éloigné de celui qui le précède (de Mi bémol en Mi naturel, par exemple) elle ne peut se faire sur le même instrument ; il faut alors avoir une autre harpe accordée dans le ton dièzé, pour succéder immédiatement à celle qui jouait dans le ton bémolisé. Si la transition n’est pas soudaine, et qu’on n’ait qu’un harpiste à sa disposition, encore faut il que le compositeur donne à l’exécutant un assez grand nombre de pauses pour que celui-ci ait le temps d’accrocher toutes les pédales nécessaires à la modulation. Quand les harpes sont nombreuses, traitées en parties intégrantes de l’orchestre, et non destinées à accompagner un solo vocal ou instrumental, on les divise ordinairement en premières et secondes, en écrivant des parties distinctes, ce qui ajoute beaucoup à la richesse de leur effet. Un plus grand nombre de parties différentes peut être sans doute, fort bien motivé ; il est même indispensable, on vient de le voir lorsqu’il s’agit de rendre possible, sans interruption du jeu des harpes, un déplacement soudain de la tonalité.

Les bas reliefs de Thèbes, où l’on trouve une minutieuse représentation des harpes antiques, prouvent qu’elles n’avaient pas de pédales, et que par conséquent elles ne modulaient jamais.

Celles, non moins antiques, employées de nos jours, par les Bardes Gallois et Irlandais, ont plusieurs rangs de cordes ; sans doute cette disposition leur rend plus ou moins accessible le style chromatique et les modulations.

  1. Voyez l’Exemple No 2 des Sons Harmoniques de Violons où se trouvent employés en même temps que ceux des Harpes.