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et Mendelssohn. Il a de plus réintégré dans la symphonie (et nous l’en félicitons) le menuet lent, le vrai menuet, essentiellement différent du menuet à mouvement rapide de Haydn et de Mozart, et dont celui de l’Armide, de Gluck, restera l’admirable modèle. On raconte, à propos de ce morceau, que, Vestris ayant dit à Gluck, au moment des répétitions générales d’Armide : « Eh bien, chevalier, avez-vous fait mon menuet ? » Gluck lui répondit : « Oui, mais il est d’un style si grand, que vous serez obligé de le danser sur la place du Carrousel. »

Le style mélodique de M. Reber est toujours distingué et pur ; dans quelques parties de ses trios de piano avec instruments à cordes, il offre une tendance à l’archaïsme, il rappelle les formes des maîtres anciens tels que Rameau, Couperin, mais avec une ampleur et une richesse de développements que ces vieux maîtres n’ont pas connues. Il est plus moderne dans ses symphonies. Son harmonie est plus hardie que celle de Haydn et de Mozart, sans indiquer pourtant le moindre penchant pour les discordances féroces, pour le style charivarique systématiquement adopté depuis quatre ou cinq ans par quelques musiciens allemands dont la raison n’est pas bien saine, et qui fait à cette heure l’épouvante et l’horreur de la civilisation musicale.

Quant à l’instrumentation de ses symphonies, elle est soignée, fine, souvent ingénieuse et tout à fait exempte de brutalités. Chaque partie est dessinée avec un soin et un art exquis. L’orchestre est composé comme celui de Mozart ; les instruments à grande voix, tels que les trombones, en sont exclus ; on n’y trouve pas non plus les instruments à percussion, autres que les timbales, ni les modernes instruments à vent. Inutile d’ajouter que la main de l’habile contrepointiste se décèle partout, et que les diverses parties de l’orchestre se croisent, se poursuivent, s’imitent avec une aisance et une liberté d’allures dont la clarté de l’ensemble n’a jamais rien à souffrir. Enfin il me semble qu’un des mérites les plus évidents