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À TRAVERS CHANTS

supposer que l’auteur lui attribue un sens expressif relatif à l’action et que je ne devine pas.

Les fragments de Lohengrin brillent par des qualités plus saillantes que les œuvres précédentes. Il y a là, ce me semble, plus de nouveauté que dans le Tannhauser ; l’introduction, qui tient lieu d’ouverture à cet opéra, est une invention de Wagner de l’effet le plus saisissant. On pourrait en donner une idée en parlant aux yeux par cette figure <>. C’est en réalité un immense crescendo lent, qui, après avoir atteint le dernier degré de la force sonore, suivant la progression inverse, retourne au point d’où il était parti et finit dans un murmure harmonieux presque imperceptible. Je ne sais quels rapports existent entre cette forme d’ouverture et l’idée dramatique de l’opéra ; mais, sans me préoccuper de cette question et en considérant le morceau comme une pièce symphonique seulement, je le trouve admirable de tout point. Il n’y a pas de phrase proprement dite, il est vrai, mais les enchaînements harmoniques en sont mélodieux, charmants, et l’intérêt ne languit pas un instant, malgré la lenteur du crescendo et celle de la décroissance. Ajoutons que c’est une merveille d’instrumentation dans les teintes douces comme dans le coloris éclatant, et qu’on y remarque, vers la fin, une basse montant toujours diatoniquement pendant que les autres parties descendent, dont l’idée est fort ingénieuse. Ce beau morceau d’ailleurs ne contient aucune espèce de duretés ; c’est suave, harmonieux autant que grand, fort et retentissant : pour moi, c’est un chef-d’œuvre.

La grande marche en sol, qui ouvre le second acte, a produit à Paris, comme en Allemagne, une véritable commotion, malgré le vague de la pensée au commencement et l’indécision froide du passage épisodique du milieu. Ces mesures incolores où l’auteur semble tâtonner, chercher son chemin, ne sont qu’une sorte de préparation pour arriver à une idée formidable, irrésistible, où l’on doit voir le vrai thème de la marche. Une