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Huon échappe aux enlacements de femmes chantant de telles mélodies, il faut qu’il ait la vertu chevillée dans le corps.

L’auditoire a fait répéter quatre morceaux et l’ouverture ; la foule, qui pendant trois heures avait bu avec délices cette musique d’une saveur si nouvelle, est sortie dans un état de véritable enivrement. C’est un succès, je le répète, un noble et grand succès.

Le ténor Michot est doué d’une belle voix, d’un timbre riche et sympathique, que l’étude ne tardera pas à assouplir. On le rappelle chaque soir. Le voilà, comme on dit dans les théâtres, posé. Il deviendra, il est déjà un sujet précieux. Madame Rossi-Caccia, après une longue absence de la scène, y a reparu dans le rôle difficile de Rezia, qu’elle chante avec talent. Mademoiselle Girard est une excellente Fatime ; que ne peut-elle corriger le tremblement de sa voix ! Mademoiselle Borghèse chante et joue bien le rôle du lutin Puck ; seulement elle est trop grande ; mais le moyen de remédier à cela ?… Grillon s’acquitte fort bien de son rôle de Chérasmin, et Fromant de celui d’Obéron. Quant à l’eunuque Girardot, il excite l’hilarité par son costume, ses poses, sa voix étrange et ses mots.

Désireux de reproduire sans mesquinerie le chef-d’œuvre de Weber, M. Carvalho a ajouté à l’orchestre dix instruments à cordes qu’on n’a pu y introduire qu’en prenant sur les places du public, et enrichi de douze voix de femmes le chœur des génies. La mise en scène d’ailleurs est extrêmement soignée ; l’effet de l’apothéose de Titania et d’Obéron est des plus poétiques.