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a commis un grand nombre, il faut l’avouer, qui blessent le sentiment de l’harmonie rhythmique. Weber n’en est pas exempt ; nous en trouvons même un exemple très-regrettable dans l’un des plus délicieux morceaux d’Obéron, dans le chant des naïades, dont je parlais tout à l’heure. Après la première grande phrase vocale, composée de quatre fois quatre mesures, l’auteur a voulu donner à la voix un court repos. Ce silence est rempli par l’orchestre. Croyant sans doute que l’oreille ne tiendrait aucun compte du fragment instrumental, l’auteur a repris ensuite son chant vocal, rhythmé carrément, comme si la mesure d’orchestre n’existait pas. Mais, selon nous, il s’est trompé. L’oreille souffre de cette addition d’une mesure dans la mélodie ; on s’aperçoit parfaitement que le mouvement d’oscillation a été rompu, que la phrase a perdu la régularité du balancement qui lui donne tant de charme. Revenant à ma comparaison de la mélodie avec la versification, je dirai encore que, dans le cas dont il s’agit, le défaut est aussi évident qu’il le serait dans une strophe de vers de dix pieds dont un seul en aurait onze.

De l’instrumentation de Weber je dirai seulement qu’elle est d’une richesse, d’une variété et d’une nouveauté admirables. La distinction encore est sa qualité dominante ; jamais de moyens réprouvés par le goût, de brutalités, de non-sens. Partout un coloris charmant, une sonorité vive mais harmonieuse, une force contenue et une connaissance profonde de la nature de chaque instrument, de ses divers caractères, de ses sympathies ou de ses antipathies avec les autres membres de la famille orchestrale ; partout enfin les plus intimes rapports sont conservés entre le théâtre et l’orchestre, nulle part ne se trouve un effet sans but, un accent non motivé.

On reproche à Weber sa manière d’écrire pour les voix ; malheureusement le reproche est fondé. Souvent il leur impose des successions d’une difficulté excessive, qui seraient à peine convenables pour tout autre instrument que le piano. Mais ce