Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Fritz, quand tu auras ciré mes bottes, fais-moi la musique de ce chœur final. » Mais cette explication n’est pas admissible ; non-seulement le morceau est bien de Gluck, mais il ne fut jamais considéré par lui comme un chœur de banquettes, puisque dans la partition de l’Alceste italienne il sert de final au premier acte. Bien plus, dans la partition française où l’addition de quelques mesures, exigée par la coupe des vers, en a rendu en certains endroits la mélodie difforme, désordonnée, bancroche, au moins n’est-il pas en opposition avec le sentiment de joie populaire exprimé par les paroles, tandis que dans la partition italienne, cette musique, convenable à un chœur de masques avinés gambadant au sortir du cabaret, est un abominable contre-sens et produit le plus choquant contraste avec les vers de Calsabigi, renfermant une sorte de moralité sur les vicissitudes humaines. Ces vers sont chantés, après la scène de l’oracle et le vœu d’Alceste, par les courtisans qui viennent de se reconnaître incapables de se dévouer pour leur roi.

Voici la traduction exacte des paroles de ce chœur cabriolant :

Qui sert et qui règne
Est né pour les peines ;
Le trône n’est pas
Le comble du bonheur.
xxDouleurs, soucis,
Soupçons, inquiétudes,
Sont les tyrans des rois.


Et il faut voir, vers la fin du morceau, sur quel bouffon crescendo et avec quel redoublement de jovialité dans les voix et dans l’orchestre sont ramenés ces mots :

Vi sono le cure,
Gli affani, i sospetti,
Tiranni de’ re.

On n’en peut croire ses yeux. C’est bien le cas de modifier l’expression d’Horace ;

Homère ici ne sommeille pas, il délire.