Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’immense récitatif pendant lequel Admète, à force d’instances, arrache enfin à Alceste le secret de son dévouement, est l’un des plus étonnants de la partition. Pas un mot qui n’y soit bien dit, pas une intention qui n’y soit mise en relief. Les interpellations d’Admète, les aparté douloureux d’Alceste, la chaleur croissante du dialogue, l’emportement furieux de l’orchestre quand le roi désespéré s’écrie :

Non, je cours réclamer leur suprême justice !


font presque de cette scène le pendant du récitatif du prêtre au premier acte ; et l’air qui la termine la couronne magnifiquement. On ne conçoit pas que par des moyens aussi simples la musique puisse atteindre à une pareille intensité d’expression, à un pathétique aussi élevé. Il s’agissait ici de mêler l’accent du reproche à celui de l’amour, de confondre la fureur et la tendresse, et le compositeur y est parvenu.

Barbare ! non sans toi je ne puis vivre,
xxTu le sais, tu n’en doutes pas !


s’écrie le malheureux Admète, et quand, interrompu un instant par Alceste, qui ne peut contenir cette exclamation : « Ah ! cher époux ! » il reprend avec plus de véhémence qu’auparavant : Je ne puis vivre, tu le sais, tu n’en doutes pas ! et se précipite éperdu hors de la scène, c’est à peine si le spectateur a la force d’applaudir.

Le récitatif qui suit nous montre la reine plus calme. Sa résignation ne sera pas de longue durée.

Le chœur prend la parole à son tour :

Tant de grâces ! tant de beauté !
Son amour, sa fidélité,
Tant de vertus, de si doux charmes,
Nos vœux, nos prières, nos larmes,
Grands dieux ! ne peuvent vous fléchir,
Et vous allez nous la ravir !

À une voix isolée répond une autre voix, puis les deux voix