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ne fut pas, je le répète, un musicien proprement dit de la force de quelques-uns de ses successeurs, l’était pourtant assez pour avoir le droit de répondre à ses critiques ce que Beethoven osa dire un jour : « Qui donc défend cette harmonie ? — Fux, Albrechtsberger et vingt autres théoriciens. — Eh bien, moi, je la permets, » ou de leur faire encore cette réponse laconique d’un de nos plus grands poëtes lisant une de ses œuvres devant le comité du Théâtre-Français. Un des membres de l’aréopage l’ayant interrompu timidement au milieu de sa lecture : « Qu’y a-t-il, monsieur ? répliqua le poëte avec un calme écrasant. — Mais il me semble… je trouve… — Quoi donc, monsieur ? — Que cette expression n’est pas française. — Elle le sera, monsieur. »

Cette superbe assurance convient même mieux au musicien qu’au poëte ; il est plus autorisé à croire possible l’admission de ses néologismes, sa langue n’étant pas une langue de convention.

Nous savons maintenant quelles furent les théories de Gluck sur la musique dramatique. Certes, l’Alceste est l’une des plus magnifiques applications qu’il en ait faites, l’Alceste française surtout. Pendant les années qui séparent la composition de cet ouvrage à Vienne de sa représentation à Paris, le génie de l’auteur semble s’être agrandi, raffermi. L’opposition qu’il rencontra chez ses compatriotes comme chez les Italiens paraît avoir doublé ses forces et donné plus de pénétration à son esprit. De là l’admirable transformation de l’Alceste italienne, dont plusieurs morceaux ont été conservés intégralement, il est vrai, dans l’opéra français (on ne voit pas trop, tant ils sont beaux, quelles modifications l’auteur y aurait pu apporter), mais dont beaucoup d’autres, au contraire (à une seule exception que nous signalerons), ont reçu un perfectionnement sensible en passant sur notre scène et en s’unissant à notre langue. Les contours mélodiques de ceux-là sont devenus plus amples, plus nets, certains accents plus pénétrants, l’instru-