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l’Opéra le Siége de Corinthe. Il avait remarqué, non sans chagrin, la somnolence du public de notre grand théâtre pendant l’exécution des œuvres les plus belles, somnolence amenée bien plus encore par les causes physiques contraires à l’effet musical que je viens de signaler, que par le style des œuvres magistrales de cette époque ; et Rossini jura de n’en pas subir l’affront. « Je saurai bien vous empêcher de dormir, » dit-il. Et il mit la grosse caisse partout, et les cymbales et le triangle, et les trombones et l’ophicléide par paquets d’accords, et frappant à tour de bras sur des rhythmes précipités il fit jaillir de l’orchestre de tels éclairs de sonorité, sinon d’harmonie, de tels coups de foudre, que le public, se frottant les yeux, se plût à ce nouveau genre d’émotions plus vives, sinon plus musicales que celles qu’il avait ressenties jusque alors. Encouragé par le succès, il poussa plus loin encore cet abus en écrivant Moïse, où, dans le fameux finale du troisième acte, la grosse caisse, les cymbales et le triangle frappent dans les forte les quatre temps de la mesure, et font en conséquence autant de notes que les voix, qui s’accommodent comme on peut le penser d’un pareil accompagnement. Néanmoins l’orchestre et le chœur de ce morceau sont construits de telle sorte, la sonorité des voix et des instruments ainsi disposés est si foudroyante, que la musique surnage au milieu de ce fracas, et que le fluide musical, projeté à flots cette fois sur tous les points de la salle, malgré ses vastes dimensions, saisit l’auditoire, le secoue, le fait vibrer, et que l’un des plus grands effets qu’on ait eu à signaler dans la salle de l’Opéra depuis qu’elle existe est produit. Mais les instruments à percussion y contribuent-ils ? Oui si on les considère comme un excitant furieux pour les autres instruments et pour les voix ; non, si l’on tient seulement compte de la part réelle qu’ils prennent à l’action musicale, car ils écrasent l’orchestre et les voix, et substituent un bruit violent jusqu’à la folie à une sonorité d’une belle énergie.

Quoi qu’il en soit, à dater de l’arrivée de Rossini à l’Opéra,