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échelle, se sont transformées en barytons ; les voix d’hommes, ne gagnant pas en réalité dans le haut tout ce qu’elles perdaient dans le bas, se sont privées d’un tiers de leur étendue ; les compositeurs, en écrivant pour ces chanteurs, ont dû se renfermer dans une octave, et, se bornant à l’emploi de huit notes tout au plus, ne produire que des mélodies d’une monotonie et d’un vulgarisme désespérants ; les voix de femmes les plus aiguës, les plus lancinantes, ont obtenu sur toutes les autres une préférence marquée. Ces ténors, ces barytons, ces soprani, lancés à toute volée, à sons perdus, ont seuls été applaudis ; les compositeurs les ont secondés de leur mieux en écrivant dans le sens de leurs prétentions stentoréennes ; les duos à l’unisson, les trios, les quatuors, les chœurs à l’unisson se sont produits ; ce mode de composition étant d’ailleurs plus facile et plus expéditif pour les maestri et plus commode pour les exécutants, a prévalu ; et, la grosse caisse aidant, on a vu s’établir dans une grande partie de l’Europe le système de musique dramatique dont nous jouissons.

Je fais cette restriction, parce qu’il n’existe réellement pas en Allemagne. Là, pas de salles-gouffres. Celle du Grand-Opéra de Berlin elle-même n’est point de dimensions disproportionnées. Les Allemands chantent mal, dit-on ; cela peut paraître vrai en général. Je ne veux pas aborder ici la question de savoir si leur langue n’en est pas la cause, et si madame Sontag, si Pischek, si Titchachek, si mademoiselle Lind, presque Allemande, et plusieurs autres, ne constituent pas néanmoins de magnifiques exceptions ; mais en somme l’immense majorité des vocalistes allemands chantent et ne hurlent pas ; l’école du cri n’est pas la leur ; ils font de la musique. D’où cela vient-il ? De ce qu’ils ont un sentiment musical plus fin que beaucoup de leurs émules des autres nations sans doute, mais aussi de ce que les théâtres lyriques allemands étant tous de médiocres dimensions, le fluide musical en atteint exactement tous les points ; de ce que le public s’y montrant toujours