Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/327

Cette page n’a pas encore été corrigée

à prendre : les principes siègent dans l’opposition. En réalité elle aura bénéficié, si elle est intelligente, de l’expérience qu’elle aura laissé faire par l’autre ; elle aura plus ou moins modifié le contenu de ses idées et par conséquent la signification de ses principes. Ainsi devient possible le progrès, malgré l’oscillation ou plutôt au moyen d’elle, pourvu qu’on en ait le souci. Mais, dans des cas de ce genre, les allées et venues entre les deux contraires résultent de certains dispositifs très simples montés par l’homme social ou de certaines dispositions très visibles de l’homme individuel. Elles ne manifestent pas une nécessité qui dominerait les causes particulières d’alternance et qui s’imposerait d’une manière générale aux événements humains. En est-il de telles ?

Nous ne croyons pas à la fatalité en histoire. Il n’y a pas d’obstacle que des volontés suffisamment tendues ne puissent briser, si elles s’y prennent à temps. Il n’y a donc pas de loi historique inéluctable. Mais il y a (les lois biologiques ; et les sociétés humaines, en tant que voulues d’un certain côté par la nature, relèvent de la biologie sur ce point particulier. Si l’évolution du monde organisé s’accomplit selon certaines lois, je veux dire en vertu de certaines forces, il est impossible que l’évolution psychologique de l’homme individuel et social renonce tout à fait à ces habitudes de la vie. Or nous montrions jadis que l’essence d’une tendance vitale est de se développer en forme de gerbe, créant, par le seul fait de sa croissance, des directions divergentes entre lesquelles se partagera l’élan. Nous ajoutions que cette loi n’a rien de mystérieux. Elle exprime simplement le fait qu’une tendance est la poussée d’une multiplicité indistincte, laquelle n’est d’ailleurs indistincte, et n’est multiplicité, que si on la considère rétrospectivement, quand des