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un mouvement en spirale, qu’on a évoquée quelquefois, serait plus juste que celle de l’oscillation pendulaire. A vrai dire, il y a des causes psychologiques et sociales dont on pourrait annoncer a priori qu’elles produiront des effets de ce genre. La jouissance ininterrompue d’un avantage qu’on avait recherché engendre la lassitude ou l’indifférence ; rarement elle tient tout ce qu’elle promettait ; elle s’accompagne d’inconvénients qu’on n’avait pas prévus ; elle finit par mettre en relief le côté avantageux de ce qu’on a quitté et par donner envie d’y retourner. Elle en donnera surtout envie à des générations nouvelles, qui n’auront pas fait l’expérience des anciens maux, et qui n’auront pas eu à peiner pour en sortir. Tandis que les parents se félicitent de l’état présent comme d’une acquisition qu’ils se rappellent avoir payée cher, les enfants n’y pensent pas plus qu’à l’air qu’ils respirent ; en revanche, ils seront sensibles à des désagréments qui ne sont que l’envers des avantages douloureusement conquis pour eux. Ainsi naîtront des velléités de retour en arrière. Ces allers et retours sont caractéristiques de l’État moderne, non pas en vertu de quelque fatalité historique, mais parce que le régime parlementaire a justement été conçu, en grande partie, pour canaliser le mécontentement. Les gouvernants ne recueillent que des éloges modérés pour ce qu’ils font de bon ; ils sont là pour bien faire ; mais leurs moindres fautes comptent ; toutes se conservent, jusqu’à ce que leur poids accumulé entraîne la chute du gouvernement. Si ce sont deux partis adverses qui sont en présence, et deux seulement, le jeu se poursuivra avec une régularité parfaite. Chacune des deux équipes reviendra au pouvoir avec le prestige que donnent des principes restés en apparence intacts pendant tout le temps qu’il n’y avait pas de responsabilité