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deux expériences nous l’apprendront : le problème doit rester ouvert. Mais c’est quelque chose que d’avoir obtenu, sur des points essentiels, un résultat d’une probabilité capable de se transformer en certitude, et pour le reste, pour la connaissance de l’âme et de sa destinée, la possibilité d’un progrès sans fin. Il est vrai que cette solution ne satisfera d’abord ni l’une ni l’autre des deux écoles qui se livrent un combat autour de la définition a priori de l’âme, affirmant ou niant catégoriquement. Ceux qui nient, parce qu’ils refusent d’ériger en réalité une construction peut-être vide de l’esprit, persisteront dans leur négation en présence même de l’expérience qu’on leur apporte, croyant qu’il s’agit encore de la même chose. Ceux qui affirment n’auront que du dédain pour des idées qui se déclarent elles-mêmes provisoires et perfectibles ; ils n’y verront que leur propre thèse, diminuée et appauvrie. Ils mettront du temps à comprendre que leur thèse avait été extraite telle quelle du langage courant. La société suit sans doute certaines suggestions de l’expérience intérieure quand elle parle de l’âme ; mais elle a forgé ce mot, comme tous les autres, pour sa seule commodité. Elle a désigné par là quelque chose qui tranche sur le corps. Plus la distinction sera radicale, mieux le mot répondra à sa destination : or elle ne saurait être plus radicale que si l’on fait des propriétés de l’âme, purement et simplement, des négations de celles de la matière. Telle est l’idée que le philosophe a trop souvent reçue toute faite de la société par l’intermédiaire du langage. Elle paraît représenter la spiritualité la plus complète, justement parce qu’elle va jusqu’au bout de quelque chose. Mais ce quelque chose n’est que de la négation. On ne tire rien du vide, et la connaissance d’une telle âme est naturellement incapable de progrès ; — sans compter