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dirigé. On trouverait que celui des deux qui a accepté avec humilité d’être dirigé est plus d’une fois devenu, avec non moins d’humilité, le directeur. Mais là n’est pas pour nous le point important. Nous voulons seulement dire que, si les ressemblances extérieures entre mystiques chrétiens peuvent tenir à une communauté de tradition et d’enseignement, leur accord profond est signe d’une identité d’intuition qui s’expliquerait le plus simplement par l’existence réelle de l’Être avec lequel ils se croient en communication. Que sera-ce si l’on considère que les autres mysticismes, anciens ou modernes, vont plus ou moins loin, s’arrêtent ici ou là, mais marquent tous la même direction ?

Nous reconnaissons pourtant que l’expérience mystique, laissée à elle-même, ne peut apporter au philosophe la certitude définitive. Elle ne serait tout à fait convaincante que si celui-ci était arrivé par une autre voie, telle que l’expérience sensible et le raisonnement fondé sur elle, à envisager comme vraisemblable l’existence d’une expérience privilégiée, par laquelle l’homme entrerait en communication avec un principe transcendant. La rencontre, chez les mystiques, de cette expérience telle qu’on l’attendait, permettrait alors d’ajouter aux résultats acquis, tandis que ces résultats acquis feraient rejaillir sur l’expérience mystique quelque chose de leur propre objectivité. Il n’y a pas d’autre source de connaissance que l’expérience. Mais, comme la notation intellectuelle du fait dépasse nécessairement le fait brut, il s’en faut que toutes les expériences soient également concluantes et autorisent la même certitude. Beaucoup nous conduisent à des conclusions simplement probables. Toutefois les probabilités peuvent s’additionner, et l’addition donner un résultat qui équivaille pratiquement à la certitude. Nous