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ce qu’il voit spirituellement, l’enseignement des théologiens. Et cela lui sera facile, puisque la théologie a précisément capté un courant qui a sa source dans la mysticité. Ainsi, son mysticisme bénéficie de la religion, en attendant que la religion s’enrichisse de son mysticisme. Par là s’explique le rôle qu’il se sent appelé à jouer d’abord, celui d’un intensificateur de la foi religieuse. Il va au plus pressé. En réalité, il s’agit pour les grands mystiques de transformer radicalement l’humanité en commençant par donner l’exemple. Le but ne serait atteint que s’il y avait finalement ce qui aurait dû théoriquement exister à l’origine, une humanité divine.

Mysticisme et christianisme se conditionnent donc l’un l’autre, indéfiniment. Il faut pourtant bien qu’il y ait eu un commencement. Par le fait, à l’origine du christianisme il y a le Christ. Du point de vue où nous nous plaçons, et d’où apparaît la divinité de tous les hommes, il importe peu que le Christ s’appelle ou ne s’appelle pas un homme. Il n’importe même pas qu’il s’appelle le Christ. Ceux qui sont allés jusqu’à nier l’existence de Jésus n’empêcheront pas le Sermon sur la montagne de figurer dans l’Évangile, avec d’autres divines paroles. À l’auteur on donnera le nom qu’on voudra, on ne fera pas qu’il n’y ait pas eu d’auteur. Nous n’avons donc pas à nous poser ici de tels problèmes. Disons simplement que, si les grands mystiques sont bien tels que nous les avons décrits, ils se trouvent être des imitateurs et des continuateurs originaux, mais incomplets, de ce que fut complètement le Christ des Évangiles.

Lui-même peut être considéré comme le continuateur des prophètes d’Israël. Il n’est pas douteux que le christianisme ait été une transformation profonde du judaïsme. On l’a dit bien des fois : à une religion qui était encore essentiellement