Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/242

Cette page n’a pas encore été corrigée

publiques. En un certain sens, le dieu était présent ; les initiés participaient quelque peu de sa divinité. Ils pouvaient donc espérer d’une autre vie plus et mieux que ce que faisait attendre la religion nationale. Mais il n’y avait là, probablement, que des idées importées toutes faites de l’étranger : on sait à quel point l’Égypte avait toujours été préoccupée du sort de l’homme après la mort, et l’on se rappelle le témoignage d’Hérodote, d’après lequel la Déméter des mystères éleusiniens et le Dionysos de l’orphisme auraient été des transformations d’Isis et d’Osiris. De sorte que la célébration des mystères, ou tout au moins ce que nous en connaissons, ne nous offre rien qui ait tranché absolument sur le culte publie. À première vue, on ne trouverait donc pas plus de mysticité à cette religion qu’à l’autre. Mais nous ne devons pas nous en tenir à l’aspect qui était probablement le seul à intéresser la plupart des initiés. Nous devons nous demander si certains au moins de ces mystères ne portaient pas la marque de telle ou telle grande personnalité, dont ils pouvaient faire revivre l’esprit. Nous devons aussi noter que la plupart des auteurs ont insisté sur les scènes d’enthousiasme où le dieu prenait réellement possession de l’âme qui l’invoquait. Par le fait, les mystères les plus vivaces, qui finirent par entraîner dans leur mouvement les mystères éleusiniens eux-mêmes, furent ceux de Dionysos et de son continuateur Orphée. Dieu étranger, venu de Thrace, Dionysos contrastait par sa violence avec la sérénité des Olympiens. Il ne fut pas d’abord le dieu du vin, mais il le devint sans peine, parce que l’ivresse où il mettait l’âme n’était pas sans ressemblance avec celle que le vin produit. On sait comment William James fut traité pour avoir qualifié de mystique, ou étudié comme tel, l’état consécutif à une inhalation