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terre, il a des dieux qui s’intéressent à la moisson, qui dispensent la chaleur, qui assurent la régularité des saisons. Ces fonctions agricoles ont dû caractériser quelques-uns des plus anciens dieux, encore qu’on les ait perdues de vue lorsque l’évolution du dieu eut fait de lui une personnalité complexe, chargée d’une longue histoire. C’est ainsi qu’Osiris, la figure la plus riche du panthéon égyptien, paraît avoir été d’abord le dieu de la végétation. Telle était la fonction primitivement dévolue à l’Adonis des Grecs. Telle aussi celle de Nisaba, en Babylonie, qui présida aux céréales avant de devenir la déesse de la Science. Au premier rang des divinités de l’Inde figurent Indra et Agni. On doit à Indra la pluie et l’orage, qui favorisent la terre, à Agni le feu et la protection du foyer domestique ; et ici encore la diversité des fonctions s’accompagne d’une différence de caractère, Indra se distinguant par sa force et Agni par sa sagesse. La fonction la plus élevée est d’ailleurs celle de Varouna, qui préside à l’ordre universel. Nous retrouvons dans la religion Shinto, au Japon, la déesse de la Terre, celle des moissons, celles qui veillent sur les montagnes, les arbres, etc. Mais nulle divinité de ce genre n’a une personnalité plus accusée et plus complète que la Déméter des Grecs, elle aussi déesse du sol et des moissons, et s’occupant en outre des morts, auxquels elle fournit une demeure, présidant d’autre part, sous le nom de Thesmophoros, à la vie de famille et à la vie sociale. Telle est la tendance la plus marquée de la fantaisie qui crée les dieux.

Mais, en leur assignant des fonctions, elle leur attribue une souveraineté qui prend tout naturellement la forme territoriale. Les dieux sont censés se partager l’univers. D’après les poètes védiques, leurs diverses zones d’influence sont