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science imprime en nous par l’éducation. Il était simplement impossible à des esprits inéduqués d’accueillir des impressions de tremblement de terre autrement que comme des avertissements ou des sanctions surnaturels [1].

On remarquera d’abord que James parle du tremblement de terre comme d’un« être individualisé » ; il constate que le tremblement de terre « se personnifie pour lui en une entité permanente et individuelle ». Mais il ne dit pas qu’il y ait — dieu ou démon — une personnalité complète, capable d’actions diverses, et dont le tremblement de terre serait une manifestation particulière. Au contraire, l’entité dont il s’agit est le phénomène lui-même, considéré comme permanent ; sa manifestation nous livre son essence, elle a pour unique fonction d’être tremblement de terre il y a une âme, mais qui est l’animation de l’acte par son intention [2]. Si l’auteur nous dit que « jamais activité humaine ne fit voir plus nettement derrière elle un agent vivant », il entend par là que l’intention et l’« animation » semblaient appartenir au tremblement de terre comme appartiennent à un agent vivant, situé derrière eux, les actes que cet agent accomplit. Mais que l’agent vivant soit ici le tremblement de terre lui-même, qu’il n’ait pas d’autre activité, pas d’autre propriété, que ce qu’il est coïncide par conséquent avec ce qu’il fait, tout le récit en témoigne. Une entité de ce genre, dont l’être ne fait qu’un avec le paraître, qui se confond avec un acte déterminé et dont l’intention est immanente à cet acte même, n’en étant que le dessin et la signification consciente, est précisément ce que nous appelions un élément de personnalité. Il y

  1. William James, Memories and Studies, p. 209-214. Cité par H. M. Kallen dans Why religion, New York, 1927.
  2. « Animus and intent were never more présent in any human action. »