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brins de limaille. — Maintenant, ne peut-on rien dire de cet acte, et de la résistance qu’il rencontre ? Si la vie n’est pas résoluble en faits physiques et chimiques, elle agit à la manière d’une cause spéciale, surajoutée à ce que nous appelons ordinairement matière : cette matière est instrument, et elle est aussi obstacle. Elle divise ce qu’elle précise. Nous pouvons conjecturer qu’à une division de ce genre est due la multiplicité des grandes lignes d’évolution vitale. Mais par là nous est suggéré un moyen de préparer et de vérifier l’intuition que nous voudrions avoir de la vie. Si nous voyons deux ou trois grandes lignes d’évolution se continuer librement à côté de voies qui finissent en impasse, et si, le long de ces lignes, se développe de plus en plus un caractère essentiel, nous pouvons conjecturer que la poussée vitale présentait d’abord ces caractères à l’état d’implication réciproque : instinct et intelligence, qui atteignent leur point culminant aux extrémités des deux principales lignes de l’évolution animale, devront ainsi être pris l’un dans l’autre, avant leur dédoublement, non pas composés ensemble mais constitutifs d’une réalité simple sur laquelle intelligence et instinct ne seraient que des points de vue. Telles sont, puisque nous avons commencé à les numéroter, la sixième, la septième et la huitième représentations qu’évoquera l’idée d’un élan vital. — Encore n’avons-nous mentionné qu’implicitement l’essentiel : l’imprévisibilité des formes que la vie crée de toutes pièces, par des sauts discontinus, le long de son évolution. Qu’on se place dans la doctrine du pur mécanisme ou dans celle de la finalité pure, dans les deux cas les créations de la vie sont prédéterminées, l’avenir pouvant se déduire du présent par un calcul ou s’y dessinant sous forme d’idée, le temps étant par conséquent sans efficace. L’expérience pure ne suggère