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les cas particuliers comme si l’adaptation était tout autre chose, — ce qu’elle est en effet, — la solution originale, trouvée par la vie, du problème que lui posent les conditions extérieures. Et cette faculté de résoudre des problèmes, on la laisse inexpliquée. En faisant alors intervenir un « élan », nous ne donnions pas davantage, l’explication ; mais nous signalions, au lieu de l’exclure systématiquement en général pour l’admettre et l’utiliser subrepticement dans chaque cas particulier, ce caractère mystérieux de l’opération de la vie. — Mais ne faisions-nous rien pour percer le mystère ? Si la merveilleuse coordination des parties au tout ne peut pas s’expliquer mécaniquement, elle n’exige pas non plus, selon nous, qu’on la traite comme de la finalité. Ce qui, vu du dehors, est décomposable en une infinité de parties coordonnées les unes aux autres, apparaîtrait peut-être du dedans comme un acte simple : tel, un mouvement de notre main, que nous sentons indivisible, sera perçu extérieurement comme une courbe définissable par une équation, c’est-à-dire comme une juxtaposition de points, en nombre infini, qui tous satisfont à une même loi. En évoquant l’image d’un élan, nous voulions suggérer cette cinquième idée, et même quelque chose de plus : là où notre analyse, qui reste dehors, découvre des éléments positifs en nombre de plus en plus grand que nous trouvons, par là même, de plus en plus étonnamment coordonnés les uns aux autres, une intuition qui se transporterait au dedans saisirait, non plus des moyens combinés, mais des obstacles tournés. Une main invisible, traversant brusquement de la limaille de fer, ne ferait qu’écarter de la résistance, mais la simplicité même de cet acte, vue du côté résistance, apparaîtrait comme la juxtaposition, effectuée dans un ordre déterminé, des