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ces deux hommes en un seul, faites que votre personnage hésite entre une franchise qui blesse et une politesse qui trompe, cette lutte de deux sentiments contraires ne sera pas encore comique, elle paraîtra sérieuse, si les deux sentiments arrivent à s’organiser par leur contrariété même, à progresser ensemble, à créer un état d’âme composite, enfin à adopter un modus vivendi qui nous donne purement et simplement l’impression complexe de la vie. Mais supposez maintenant, dans un homme bien vivant, ces deux sentiments irréductibles et raides ; faites que l’homme oscille de l’un à l’autre ; faites surtout que cette oscillation devienne franchement mécanique en adoptant la forme connue d’un dispositif usuel, simple, enfantin : vous aurez cette fois l’image que nous avons trouvée jusqu’ici dans les objets risibles, vous aurez du mécanique dans du vivant, vous aurez du comique.

Nous nous sommes assez appesanti sur cette première image, celle du diable à ressort, pour faire comprendre comment la fantaisie comique convertit peu à peu un mécanisme matériel en un mécanisme moral. Nous allons examiner un ou deux