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bant sur des poutres de chêne, et tout s’étala sur le sol. À ce moment apparut dans toute sa netteté la suggestion que les deux artistes avaient graduellement enfoncée dans l’imagination des spectateurs : « Nous allons devenir, nous sommes devenus des mannequins de bois massif. »

Un obscur instinct peut faire pressentir ici à des esprits incultes quelques-uns des plus subtils résultats de la science psychologique. On sait qu’il est possible d’évoquer chez un sujet hypnotisé, par simple suggestion, des visions hallucinatoires. On lui dira qu’un oiseau est posé sur sa main, et il apercevra l’oiseau, et il le verra s’envoler. Mais il s’en faut que la suggestion soit toujours acceptée avec une pareille docilité. Souvent le magnétiseur ne réussit à la faire pénétrer que peu à peu, par insinuation graduelle. Il partira alors des objets réellement perçus par le sujet, et il tâchera d’en rendre la perception de plus en plus confuse : puis, de degré en degré, il fera sortir de cette confusion la forme précise de l’objet dont il veut créer l’hallucination. C’est ainsi qu’il arrive à bien des personnes, quand elles vont