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ce ton qui m’embarrassait fort. Enfin, pour la faire changer, je la priai de s’asseoir. Rien ne coupe mieux une scène tragique ; car, quand on est assis, cela devient comédie. »

Élargissons maintenant cette image : le corps prenant le pas sur l’âme. Nous allons obtenir quelque chose de plus général : la forme voulant primer le fond, la lettre cherchant chicane à l’esprit. Ne serait-ce pas cette idée que la comédie cherche à nous suggérer quand elle ridiculise une profession ? Elle fait parler l’avocat, le juge, le médecin, comme si c’était peu de chose que la santé et la justice, l’essentiel étant qu’il y ait des médecins, des avocats, des juges, et que les formes extérieures de la profession soient respectées scrupuleusement. Ainsi le moyen se substitue à la fin, la forme au fond, et ce n’est plus la profession qui est faite pour le public, mais le public pour la profession. Le souci constant de la forme, l’application machinale des règles, créent ici une espèce d’automatisme professionnel, comparable à celui que les habitudes du corps imposent à l’âme et risible comme lui. Les exemples en abondent au