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cieuse et belle, nous donne cette même impression d’un pli contracté pour toujours ? Mais il y a ici une distinction importante à faire. Quand nous parlons d’une beauté et même d’une laideur expressives, quand nous disons qu’un visage a de l’expression, il s’agit d’une expression stable peut-être, mais que nous devinons mobile. Elle conserve, dans sa fixité, une indécision où se dessinent confusément toutes les nuances possibles de l’état d’âme qu’elle exprime : telles, les chaudes promesses de la journée se respirent dans certaines matinées vaporeuses de printemps. Mais une expression comique du visage est celle qui ne promet rien de plus que ce qu’elle donne. C’est une grimace unique et définitive. On dirait que toute la vie morale de la personne a cristallisé dans ce système. Et c’est pourquoi un visage est d’autant plus comique qu’il nous suggère mieux l’idée de quelque action simple, mécanique, où la personnalité serait absorbée à tout jamais. Il y a des visages qui paraissent occupés à pleurer sans cesse, d’autres à rire ou à siffler, d’autres à souffler éternellement dans une trompette imaginaire. Ce sont