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chaque fois à l’appel de la situation présente et ne servira qu’à l’interpréter. Chez Don Quichotte, au contraire, il y a un groupe de souvenirs qui commande aux autres et qui domine le personnage lui-même : c’est donc la réalité qui devra fléchir cette fois devant l’imagination et ne plus servir qu’à lui donner un corps. Une fois l’illusion formée, Don Quichotte la développe d’ailleurs raisonnablement dans toutes ses conséquences ; il s’y meut avec la sûreté et la précision du somnambule qui joue son rêve. Telle est l’origine de l’erreur, et telle est la logique spéciale qui préside ici à l’absurdité. Maintenant, cette logique est-elle particulière à Don Quichotte ?

Nous avons montré que le personnage comique pèche par obstination d’esprit ou de caractère, par distraction, par automatisme. Il y a au fond du comique une raideur d’un certain genre, qui fait qu’on va droit son chemin, et qu’on n’écoute pas, et qu’on ne veut rien entendre. Combien de scènes comiques, dans le théâtre de Molière, se ramènent à ce type simple : un personnage qui suit son idée, qui y revient toujours, tandis qu’on