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nous ne dirions pas « une Phèdre » ou « un Polyeucte ».

Surtout, l’idée ne viendra guère à un poète tragique de grouper autour de son personnage principal des personnages secondaires qui en soient, pour ainsi dire, des copies simplifiées. Le héros de tragédie est une individualité unique en son genre. On pourra l’imiter, mais on passera alors, consciemment ou non, du tragique au comique. Personne ne lui ressemble, parce qu’il ne ressemble à personne. Au contraire, un instinct remarquable porte le poète comique, quand il a composé son personnage central, à en faire graviter d’autres tout autour qui présentent les mêmes traits généraux. Beaucoup de comédies ont pour titre un nom au pluriel ou un terme collectif. « Les Femmes savantes », « Les Précieuses ridicules », « Le Monde où l’on s’ennuie », etc., autant de rendez-vous pris sur la scène par des personnes diverses reproduisant un même type fondamental. Il serait intéressant d’analyser cette tendance de la comédie. On y trouverait d’abord, peut-être, le pressentiment d’un fait signalé par les médecins, à savoir que les