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à l’écart de la personnalité totale. Enfin (et c’est ici le point essentiel), l’action est exactement proportionnée au sentiment qui l’inspire ; il y a passage graduel de l’un à l’autre, de sorte que notre sympathie ou notre aversion peuvent se laisser glisser le long du fil qui va du sentiment à l’acte et s’intéresser progressivement. Mais le geste a quelque chose d’explosif, qui réveille notre sensibilité prête à se laisser bercer, et qui, en nous rappelant ainsi à nous-mêmes, nous empêche de prendre les choses au sérieux. Donc, dès que notre attention se portera sur le geste et non pas sur l’acte, nous serons dans la comédie. Le personnage de Tartuffe appartiendrait au drame par ses actions : c’est quand nous tenons plutôt compte de ses gestes que nous le trouvons comique. Rappelons-nous son entrée en scène : « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline. » Il sait que Dorine l’entend, mais il parlerait de même, soyez-en convaincu, si elle n’y était pas. Il est si bien entré dans son rôle d’hypocrite qu’il le joue, pour ainsi dire, sincèrement. C’est par là, et par là seulement, qu’il pourra devenir comique. Sans