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société qui se forme au sein de la grande est portée ainsi, par un vague instinct, à inventer un mode de correction et d’assouplissement pour la raideur des habitudes contractées ailleurs et qu’il va falloir modifier. La société proprement dite ne procède pas autrement. Il faut que chacun de ses membres reste attentif à ce qui l’environne, se modèle sur l’entourage, évite enfin de s’enfermer dans son caractère ainsi que dans une tour d’ivoire. Et c’est pourquoi elle fait planer sur chacun, sinon la menace d’une correction, du moins la perspective d’une humiliation qui, pour être légère, n’en est pas moins redoutée. Telle doit être la fonction du rire. Toujours un peu humiliant pour celui qui en est l’objet, le rire est véritablement une espèce de brimade sociale.

De là le caractère équivoque du comique. Il n’appartient ni tout à fait à l’art, ni tout à fait à la vie. D’un côté les personnages de la vie réelle ne nous feraient pas rire si nous n’étions capables d’assister à leurs démarches comme à un spectacle que nous regardons du haut de notre loge ; ils ne sont comiques à nos yeux que parce