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d’ailleurs au point de vue de la théorie du rire. On appellera cette fois esprit une certaine disposition à esquisser en passant des scènes de comédie, mais à les esquisser si discrètement, si légèrement, si rapidement, que tout est déjà fini quand nous commençons à nous en apercevoir.

Quels sont les acteurs de ces scènes ? À qui l’homme d’esprit a-t-il affaire ? D’abord à ses interlocuteurs eux-mêmes, quand le mot est une réplique directe à l’un d’eux. Souvent à une personne absente, dont il suppose qu’elle a parlé et qu’il lui répond. Plus souvent encore à tout le monde, je veux dire au sens commun, qu’il prend à partie en tournant au paradoxe une idée courante, ou en utilisant un tour de phrase accepté, en parodiant une citation ou un proverbe. Comparez ces petites scènes entre elles, vous verrez que ce sont généralement des variations sur un thème de comédie que nous connaissons bien, celui du « voleur volé ». On saisit une métaphore, une phrase, un raisonnement, et on les retourne contre celui qui les fait ou qui pourrait les faire, de manière qu’il ait dit ce qu’il ne voulait pas