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mode : c’est ce jeu qui fait rire, bien plus que le va-et-vient de notre esprit entre deux affirmations contradictoires. Et il nous fait rire parce qu’il rend manifeste à nos yeux l’interférence de deux séries indépendantes, source véritable de l’effet comique.

Aussi le quiproquo ne peut-il être qu’un cas particulier. C’est un des moyens (le plus artificiel peut-être) de rendre sensible l’interférence des séries ; mais ce n’est pas le seul. Au lieu de deux séries contemporaines, on pourrait aussi bien prendre une série d’événements anciens et une autre actuelle : si les deux séries arrivent à interférer dans notre imagination, il n’y aura plus quiproquo, et pourtant le même effet comique continuera à se produire. Pensez à la captivité de Bonivard dans le château de Chillon : voilà une première série de faits. Représentez-vous ensuite Tartarin voyageant en Suisse, arrêté, emprisonné : seconde série, indépendante de la première. Faites maintenant que Tartarin soit rivé à la propre chaîne de Bonivard et que les deux histoires paraissent un instant coïncider, vous aurez une