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dessin des lignes droites et des courbes géométriques, soit en circonscrivant à son modèle (supposé plat) une figure rectiligne imaginaire sur laquelle il s’assurera des points de repère, soit en remplaçant provisoirement les courbes du modèle par des courbes géométriques, sur lesquelles il reviendra ensuite pour faire les retouches nécessaires.

Cette méthode, d’après M. Ravaisson, ne peut donner aucun résultat. En effet, ou bien on veut apprendre seulement à dessiner des figures géométriques, et alors autant vaut se servir des instruments appropriés et appliquer les règles que la géométrie fournit ; ou bien c’est l’art proprement dit qu’on prétend enseigner, mais alors l’expérience montre que l’application de procédés mécaniques à l’imitation des formes vivantes aboutit à les faire mal comprendre et mal reproduire. Ce qui importe ici avant tout, en effet, c’est le « bon jugement de l’œil ». L’élève qui commence par s’assurer des points de repère, qui les relie ensuite par un trait continu en s’inspirant autant que possible des courbes de la géométrie, n’apprend qu’à voir faux. Jamais il ne saisit le mouvement propre de la forme à dessiner. « L’esprit de la forme » lui échappe toujours. Tout autre est le résultat quand on commence par les courbes caractéristiques de la vie. Le plus simple sera ici, non pas ce qui se rapprochera le plus de la géométrie, mais ce qui parlera le mieux à l’intelligence, ce qu’il y aura de plus expressif : l’animal sera plus facile à comprendre que la plante, l’homme que l’animal, l’Apollon du Belvédère qu’un passant pris dans la rue. Commençons donc par faire dessiner à l’enfant les plus parfaites d’entre les figures humaines, les modèles fournis par la statuaire grecque. Si nous craignons pour lui les difficultés de la perspective, remplaçons d’abord les modèles par leur reproduction photographique. Nous verrons que le