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cable, lorsqu’elle doit se borner à décrire l’objet ou à l’analyser, elle s’arrange pour n’envisager que le côté capable de devenir plus tard accessible à la mesure.

Or, il est de l’essence des choses de l’esprit de ne pas se prêter à la mesure. Le premier mouvement de la science moderne devait donc être de chercher si l’on ne pourrait pas substituer aux phénomènes de l’esprit certains phénomènes qui en fussent les équivalents et qui seraient mesurables. De fait, nous voyons que la conscience a des rapports avec le cerveau. On s’empara donc du cerveau, on s’attacha au fait cérébral — dont on ne connaît certes pas la nature, mais dont on sait qu’il doit pouvoir se résoudre finalement en mouvements de molécules et d’atomes, c’est-à-dire en faits d’ordre mécanique — et l’on convint de procéder comme si le cérébral était l’équivalent du mental. Toute notre science de l’esprit, toute notre métaphysique, depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours, proclame d’ailleurs cette équivalence. On parle indifféremment de la pensée ou du cerveau, soit qu’on fasse du mental un « épiphénomène » du cérébral, comme le veut le matérialisme, soit qu’on mette le mental et le cérébral sur la même ligne en les considérant comme deux traductions, en langues différentes, du même original. Bref, l’hypothèse d’un parallélisme rigoureux entre le cérébral et le mental paraît éminemment scientifique. D’instinct, la philosophie et la science tendent à écarter ce qui contredirait cette hypothèse ou la contrarierait. Et tel paraît être, à première vue, le cas des faits qui intéressent la « recherche psychique », ou tout au moins de beaucoup d’entre eux.

Eh bien, le moment est venu de regarder cette hypothèse