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se désorganiser, et cette raison n’a plus de valeur si l’indépendance de la presque totalité de la conscience à l’égard du corps est, elle aussi, un fait que l’on constate. En traitant ainsi le problème de la survivance, en le faisant descendre des hauteurs où la métaphysique traditionnelle l’a placé, en le transportant dans le champ de l’expérience, nous renonçons sans doute à en obtenir du premier coup la solution radicale ; mais que voulez-vous ? il faut opter, en philosophie, entre le pur raisonnement qui vise à un résultat définitif, imperfectible puisqu’il est censé parfait, et une observation patiente qui ne donne que des résultats approximatifs, capables d’être corrigés et complétés indéfiniment. La première méthode, pour avoir voulu nous apporter tout de suite la certitude, nous condamne à rester toujours dans le simple probable ou plutôt dans le pur possible, car il est rare qu’elle ne puisse pas servir à démontrer indifféremment deux thèses opposées, également cohérentes, également plausibles. La seconde ne vise d’abord qu’à la probabilité ; mais comme elle opère sur un terrain où la probabilité peut croître sans fin, elle nous amène peu à peu à un état qui équivaut pratiquement à la certitude. Entre ces deux manières de philosopher mon choix est fait. Je serais heureux si j’avais pu contribuer, si peu que ce fût, à orienter le vôtre.