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la théorie de l’équivalence une apparence d’intelligibilité, dès qu’on cesse de la pousser dans le sens matérialiste. D’autre part, si le raisonnement pur suffit à nous montrer que cette théorie est à rejeter, il ne nous dit pas, il ne peut pas nous dire ce qu’il faut mettre à la place. De sorte qu’en définitive c’est à l’expérience que nous devons nous adresser, ainsi que nous le faisions prévoir. Mais comment passer en revue les états normaux et pathologiques dont il y aurait à tenir compte ? Les examiner tous est impossible ; approfondir tels ou tels d’entre eux serait encore trop long. Je ne vois qu’un moyen de sortir d’embarras : c’est de prendre, parmi tous les faits connus, ceux qui semblent le plus favorables à la thèse du parallélisme — les seuls, à vrai dire, où la thèse ait paru trouver un commencement de vérification —, les faits de mémoire. Si nous pouvions alors indiquer en deux mots, fût-ce d’une manière imparfaite et grossière, comment un examen approfondi de ces faits aboutirait à infirmer la théorie qui les invoque et à confirmer celle que nous proposons, ce serait déjà quelque chose. Nous n’aurions pas la démonstration complète, tant s’en faut ; nous saurions du moins où il faut la chercher. C’est ce que nous allons faire.

La seule fonction de la pensée à laquelle on ait pu assigner une place dans le cerveau est en effet la mémoire — plus précisément la mémoire des mots. Je rappelais, au début de cette conférence, comment l’étude des maladies du langage a conduit à localiser dans telles ou telles circonvolutions du cerveau telles ou telles formes de la mémoire verbale. Depuis Broca, qui avait montré comment l’oubli des mouvements d’articulation de la parole pouvait résulter d’une lésion de la troisième circonvolution