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le point d’où part le signal et même le déclenchement. La zone rolandique, où l’on a localisé le mouvement volontaire, est comparable en effet au poste d’aiguillage d’où l’employé lance sur telle ou telle voie le train qui arrive ; ou encore c’est un commutateur, par lequel une excitation extérieure donnée peut être mise en communication avec un dispositif moteur pris à volonté ; mais à côté des organes du mouvement et de l’organe du choix, il y a autre chose, il y a le choix lui-même. S’agit-il enfin de la pensée ? Quand nous pensons, il est rare que nous ne nous parlions pas à nous-mêmes : nous esquissons ou préparons, si nous ne les accomplissons pas effectivement, les mouvements d’articulation par lesquels s’exprimerait notre pensée ; et quelque chose s’en doit déjà dessiner dans le cerveau. Mais là ne se borne pas, croyons-nous, le mécanisme cérébral de la pensée : derrière les mouvements intérieurs d’articulation, qui ne sont d’ailleurs pas indispensables, il y a quelque chose de plus subtil, qui est essentiel. Je veux parler de ces mouvements naissants qui indiquent symboliquement toutes les directions successives de l’esprit. Remarquez que la pensée réelle, concrète, vivante, est chose dont les psychologues nous ont fort peu parlé jusqu’ici, parce qu’elle offre malaisément prise à l’observation intérieure. Ce qu’on étudie d’ordinaire sous ce nom est moins la pensée même qu’une imitation artificielle obtenue en composant ensemble des images et des idées. Mais avec des images, et même avec des idées, vous ne reconstituerez pas de la pensée, pas plus qu’avec des positions vous ne ferez du mouvement. L’idée est un arrêt de la pensée ; elle naît quand la pensée, au lieu de continuer