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tant bien que mal entre elles. La matière est nécessité, la conscience est liberté ; mais elles ont beau s’opposer l’une à l’autre, la vie trouve moyen de les réconcilier. C’est que la vie est précisément la liberté s’insérant dans la nécessité et la tournant à son profit. Elle serait impossible, si le déterminisme auquel la matière obéit ne pouvait se relâcher de sa rigueur. Mais supposez qu’à certains moments, en certains points, la matière offre une certaine élasticité, là s’installera la conscience. Elle s’y installera en se faisant toute petite ; puis, une fois dans la place, elle se dilatera, arrondira sa part et finira par obtenir tout, parce qu’elle dispose du temps et parce que la quantité d’indétermination la plus légère, en s’additionnant indéfiniment avec elle-même, donnera autant de liberté qu’on voudra. — Mais nous allons retrouver cette même conclusion sur de nouvelles lignes de faits, qui nous la présenteront avec plus de rigueur.

Si nous cherchons, en effet, comment un corps vivant s’y prend pour exécuter des mouvements, nous trouvons que sa méthode est toujours la même. Elle consiste à utiliser certaines substances qu’on pourrait appeler explosives et qui, semblables à la poudre à canon, n’attendent qu’une étincelle pour détoner. Je veux parler des aliments, plus particulièrement des substances ternaires, — hydrates de carbone et graisses. Une somme considérable d’énergie potentielle y est accumulée, prête à se convertir en mouvement. Cette énergie a été lentement, graduellement, empruntée au soleil par les plantes ; et l’animal qui se nourrit d’une plante, ou d’un animal qui s’est nourri d’une plante, ou d’un animal qui s’est nourri d’un animal qui s’est nourri d’une plante, etc., fait simplement passer dans