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optique, sur les centres de la vision : ils y provoquent une modification des groupements atomiques et moléculaires. Quel est le rapport de cette modification cérébrale aux objets extérieurs ?

La thèse du parallélisme consistera à soutenir que nous pouvons, une fois en possession de l’état cérébral, supprimer par un coup de baguette magique tous les objets perçus sans rien changer à ce qui se passe dans la conscience, car c’est cet état cérébral causé par les objets, et non pas l’objet lui-même, qui détermine la perception consciente. Mais comment ne pas voir qu’une proposition de ce genre est absurde dans l’hypothèse idéaliste ? Pour l’idéalisme, les objets extérieurs sont des images et le cerveau est l’une d’elles. Il n’y a rien de plus dans les choses mêmes que ce qui est étalé ou étalable dans l’image qu’elles présentent. Il n’y a donc rien de plus dans un chassé-croisé d’atomes cérébraux que le chassé-croisé de ces atomes. Puisque c’est là tout ce qu’on a supposé dans le cerveau, c’est là tout ce qui s’y trouve et tout ce qu’on en peut tirer. Dire que l’image du monde environnant sort de cette image, ou qu’elle s’exprime par cette image, ou qu’elle surgit dès que cette image est posée, ou qu’on se la donne en se donnant cette image, serait se contredire soi-même, puisque ces deux images, le monde extérieur et le mouvement intracérébral, ont été supposées de même nature, et que la seconde image est, par hypothèse, une infime partie du champ de la représentation alors que la première remplit le champ de la représentation tout entier. Que l’ébranlement cérébral contienne virtuellement la représentation du monde extérieur, cela peut sembler intelligible dans une doctrine qui fait du mouvement quelque chose