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des atomes dont le cerveau humain est fait et qui aurait la clef de la psychophysiologie, pourrait lire, dans un cerveau qui travaille, tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. » Ou enfin : « La conscience ne dit rien de plus que ce qui se fait dans le cerveau ; elle l’exprime seulement dans une autre langue ».

Sur les origines toutes métaphysiques de cette thèse il n’y a d’ailleurs pas de doute possible. Elle dérive en droite ligne du cartésianisme. Implicitement contenue (avec bien des restrictions, il est vrai) dans la philosophie de Descartes, dégagée et poussée à l’extrême par ses successeurs, elle a passé, par l’intermédiaire des médecins philosophes du XVIIIe siècle, dans la psychophysiologie de notre temps. Et l’on comprend aisément que les physiologistes l’aient acceptée sans discussion. D’abord ils n’avaient pas le choix, puisque le problème leur venait de la métaphysique, et que les métaphysiciens ne leur apportaient pas d’autre solution. Ensuite il était de l’intérêt de la physiologie de s’y rallier, et de procéder comme si elle devait, quelque jour, nous donner la traduction physiologique intégrale de l’activité psychologique : à cette condition seulement elle pouvait aller de l’avant, et pousser toujours plus loin l’analyse des conditions cérébrales de la pensée. C’était et ce peut être encore un excellent principe de recherche, qui signifiera qu’il ne faut pas trop se hâter d’assigner des limites à la physiologie, pas plus d’ailleurs qu’à aucune autre investigation scientifique. Mais l’affirmation dogmatique du parallélisme psychophysiologique est tout autre chose. Ce n’est plus une règle scientifique, c’est une hypothèse métaphysique. Dans la mesure où elle est intelligible, elle est la métaphysique d’une