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VII

LE CERVEAU ET LA PENSÉE :
UNE ILLUSION PHILOSOPHIQUE[1]


L’idée d’une équivalence entre l’état psychique et l’état cérébral correspondant pénètre une bonne partie de la philosophie moderne. On a discuté sur les causes et sur la signification de cette équivalence plutôt que sur l’équivalence même. Pour les uns, elle tiendrait à ce que l’état cérébral se double lui-même, dans certains cas, d’une phosphorescence psychique qui en illuminé le dessin. Pour d’autres, elle vient de ce que l’état cérébral et l’état psychologique entrent respectivement dans deux séries de phénomènes qui se correspondent point à point, sans qu’il soit nécessaire d’attribuer à la première la création de la seconde. Mais les une et les autres admettent l’équivalence ou, comme on dit plus souvent, le parallélisme des deux séries. Pour fixer les idées, nous formulerons la thèse ainsi : « Un état cérébral étant posé, un état psychologique déterminé s’ensuit. » Ou encore : « Une intelligence surhumaine, qui assisterait au chassé-croisé

  1. Mémoire lu au Congrès de Philosophie de Genève en 1904 et publié dans la Revue de métaphysique et de morale sous ce titre : Le paralogisme psycho-physiologique.