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à période ; mais dans chacune des périodes il reste relativement fixe, et c’est aux images de s’y ajuster. Tout se passe comme si l’on tendait une rondelle de caoutchouc dans divers sens en même temps pour l’amener à prendre la forme géométrique de tel ou tel polygone. En général, le caoutchouc se rétrécit sur certains points à mesure qu’on l’allonge sur d’autres. Il faut s’y reprendre, fixer chaque fois le résultat obtenu : encore peut-on avoir, pendant cette opération, à modifier la forme assignée au polygone d’abord. Ainsi pour l’effort d’invention, soit qu’il tienne en quelques secondes, soit qu’il exige des années.

Maintenant, ce va-et-vient, entre le schéma et les images, ce jeu des images se composant ou luttant entre elles pour entrer dans le schéma, enfin ce mouvement sui generis de représentations fait-il partie intégrante du sentiment que nous avons de l’effort ? S’il est présent partout où nous éprouvons le sentiment de l’effort intellectuel, s’il est absent lorsque ce sentiment fait défaut, peut-on admettre qu’il ne soit pour rien dans le sentiment lui-même ? Mais, d’autre part, comment un jeu de représentations, un mouvement d’idées, pourrait-il entrer dans la composition d’un sentiment ? La psychologie contemporaine incline à résoudre en sensations périphériques tout ce qu’il y a d’affectif dans l’affection. Et, même si l’on ne va pas aussi loin, il semble bien que l’affection soit irréductible à la représentation. Entre la nuance affective qui colore tout effort intellectuel et le jeu très particulier de représentations que l’analyse y découvre, quel est alors exactement le rapport ?

Nous ne ferons aucune difficulté pour reconnaître que,